
Hommage à René Guillot
26 août 2025 par Frédéric Tessier
Au mois de juillet dernier, la famille du karaté a perdu l’un de ses grands artisans avec la disparition de René Guillot, né en 1939 et fondateur du Seibukan Karaté Club à Nantes au début des années 1980. Son départ laisse un vide immense chez celles et ceux qui ont eu la chance de croiser sa route, de partager son enseignement et de s’imprégner de sa passion.
Élève fidèle du maître japonais Taiji Kase, figure majeure du karaté Shōtōkan, René a suivi son enseignement avec rigueur et humilité pendant plus de quinze ans. Il a ensuite consacré sa vie à transmettre cet héritage avec générosité, d’abord au Service Universitaire des Activités Physiques et Sportives de Nantes, où il a formé pendant plus de vingt-cinq ans des générations d’étudiants, puis au Seibukan, son club, qui demeure aujourd’hui un lieu vivant de partage et de transmission.
Son enseignement ne se limitait pas à la technique : il visait à former des femmes et des hommes debouts, conscients de la valeur du respect, de la constance et de la maîtrise de soi. À travers l’étude des kata, le travail de la respiration et de l’énergie, ou encore la pratique des armes traditionnelles, René cherchait toujours à développer autant l’esprit que le corps. Pour lui, le karaté n’était pas une fin en soi, mais un chemin de vie, une école d’humanité.
Ses élèves se souviennent d’un professeur exigeant mais profondément bienveillant, capable de rigueur comme de chaleur, et toujours habité par le désir de transmettre. Beaucoup d’entre eux disent aujourd’hui combien son influence a marqué leur parcours, bien au-delà des tatamis.
René Guillot laisse derrière lui un héritage vivant : un club qu’il a bâti, une communauté soudée qu’il a formée, et surtout, une conception du karaté comme voie de respect, de droiture et de fidélité. À travers la mémoire de ses gestes, de ses paroles et de son exemple, son esprit continuera à accompagner tous ceux qui poursuivent le chemin qu’il a ouvert.
SEPTEMBRE 1968 : Début de la pratique du karaté à Nantes sous la houlette d'Ali RECHDAOUI dont il devient l'assistant
OCTOBRE 1972 : René Guillot accueil à Nantes Maître Taiji KASE pour un stage organisé par son professeur mais qui avait du s'absenter d'urgence au dernier moment. René suit désormais l’enseignement de Maître Taiji KASE
AOUT 1975 ; KASE Senseï décide de quitter la Fédération Française de Karaté. René Guillot decide de suivre le Maître et démissionne simultanément de la présidence de la Ligue, de la commission technique et des grades, et de l'école des cadres
1975 - 1985 ; Dix ans de travail et d'entraînement intensifs à huis clos avec Maître Taiji KAS
Un écrit de senseï Guillot :
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Nous étions au maximum une trentaine de « fidèles » dans tout l'hexagone, dont SIEDLIS, BONNAUD, GUEZINGARD, et moi même pour Nantes ; DAUDIER, CRIQUET, AMICHE, PERILLIEUX, GENTRIC etc ... pour Paris ; VERBECK pour le Nord ; PECHALAT pour le Centre ; Gérald DUMONT pour la Bretagne ; Raymond DUMONT pour la Savoie etc …
Nous organisions dans nos ligues des stages pour le Maître. Nous nous déplaçions dans toute la France avec une partie de nos élèves pour suivre son enseignement et nous rions beaucoup quand nous apprenions dans les revues spécialisées que le Maître KASE était retourné au Japon !
Durant cette période extraordinaire j'ai reçu bien des fois autour de la table familiale Senseï KASE et tous mes amis des Ligues Françaises. Le Maître nous enseignait toujours, en nous parlant du Japon, de sa jeunesse, de son parcours de l'esprit des BU - DO. Il nous parlait très souvent de l'énergie, du « KI » (je me souviens d'un cours essentiellement consacré à la respiration: le karaté « YOGA DYNAMIQUE» ) J'ai longtemps cru que le souffle accompagnait le mouvement, puis qu'il lui était simultané. Maintenant et depuis seulement quelques années je sais qu'il le devance et ça change tout ... Il nous racontait des anecdotes amusantes vécues avec ses « vrais » élèves ENOEDA, MIYASAKI et SHIRAÏ, son fils spirituel qui nous invita deux fois en Italie dont une semaine entière pour s'entraîner et apprendre les techniques de shiatsu - seitai dans la belle ville de Bergamo ... Nous avons vu une seule fois notre Maître en colère, c'était terrifiant !
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ANNÉE 1985 KASE Sensei revient à la Fédération Française de Karaté ; René Guillot ne fréquente plus ses stages
AUTOMNE 2004 KASE Sensei décède ... Les élèves du Maître sont reçus chaleureusement et intimement par sa famille, épouse, filles, frères venus du Japon.
Après avoir enseigné l'électronique dans la journée, le karaté le soir au SUAPS et fréquenté les stages de son Maître le weekend, René GUILLOT s’est consacré essentiellement au « SEÏ - BU - KAN >
René Guillot nous a quitté en juillet 2025. C’était un homme érudit et un enseignant sans pareil qui n'avait de cesse de nous transmettre le sens de l'étude et la force mentale.
TEMOIGNAGES
Par Hervé
«René était indissociable du Karaté. Il en avait fait un choix de vie et a toujours été dans la transmission, nous prodiguant moult conseils en insistant sur la justesse des positions, des mouvements et des déplacements ainsi que sur le développement des énergies. Il aimait rappeler que c’est sur ces critères que l’on reconnaissait ses karatekas lors des passages de grade.
Des bienfaits de son enseignement je retiendrai deux points apparemment éloignés du karaté pour un profane :
- Le contrôle de la respiration qui m’a permis de contrôler mes émotions lors d’évènements potentiellement conflictuels au sein du monde de travail,
- La fluidité des déplacements obtenue par l’énergie ventrale qui m’a permis de palier à mes accidents physiques (et ça ne s’arrange pas avec l’âge).
Chacun trouve sa propre voie pour atteindre les objectifs fixés. C’est relativement tard, que j’ai commencé à vraiment intégrer ce qu’il m’avait longuement répété. Lors d’un des tout derniers entrainements qu’il a pu diriger, il a nous a fait travailler du sen no sen sur la technique de base du gedan baraï. Quel plaisir de sentir monter l’énergie et l’harmonie avec le partenaire.
A nous de poursuivre sa transmission »
Par Laurent
“Senseï Guillot était l’un de mes deux piliers formateurs. Aujourd’hui il n’est plus là et cela me rend triste. Eloigné des tatamis depuis plus d’un an je le voyais régulièrement et nous parlions budô et enseignement.
Il était un homme entier, humaniste et passionné. Il a fait du karaté sa vie et a donné beaucoup à des centaines de karatékas.
A huis clos avec senseï Kase il a appris beaucoup pendant 10 ans et surtout l’esprit du budô qui implique autant la paix que la puissance.
C’est avec intelligence et sagesse qu’il a au fil des années ajusté son karaté pour pouvoir pratiquer efficacement à tout âge. Je me souviens encore de ses derniers tsuki qui étaient limpides, vifs comme l’éclair.
Le travail de la respiration et du souffle comme moteur restera son leitmotiv en tout temps. Cela apporte santé, dynamisme et stabilité.
Exigeant, il demandait une grande concentration et un état d’esprit de recherche à ses élèves. De la patience et de la lenteur naît la perfection.
Jamais de “mostrare” avec senseï mais simplement du kimé naturel. Il est là où il faut travailler pour l’atteindre.
Idem pour les kata, c’est bien ou cela ne l’est pas, l’entre-deux ne doit peut pas exister.
Aujourd’hui je suis un peu orphelin mais je me dois de continuer à dispenser son karaté, son état d’esprit et son humanité.”